Texte : Alexandre Metzger - Illustration : Alexandre Metzger - 17 octobre 2021

Candyman II : l’Adieu à la Chair

Secrets de famille

Autre lieu, autres personnages, mais même contexte désespéré d’une population stigmatisée vivant dans la pauvreté et la violence raciale, sont au programme de cette suite du Candyman de Bernard Rose. Entre temps, le film est entré dans la culture populaire, cité dans des morceaux de rap américains, et a fait de Tony Todd un acteur désormais reconnu dans la rue comme LE Candyman… Qui dit succès dit suite, confiée à Bill Condon, cinéphile et journaliste de cinéma devenu un réalisateur très… éclectique (Ni Dieux ni Démons, Twilight IV & V, La Belle et la Bête…). L’action se situe cette fois à la Nouvelle-Orléans, dont les habitants ont perdu tout espoir d’une vie meilleure. Un choix de lieu intéressant visuellement, architecturalement et pertinent pour l’histoire que l’on nous propose. Car Candyman II n’oublie pas la dimension sociale qu’avait développée l’original. Ville chargée d’histoire, celle du colonialisme français entre autres, de culture autant musicale que folklorique, c’est sur la période du Carnaval, “l’Adieu à la chair”, que va s’établir le film. Quelques jours baignés dans une énergie palpable où une parade de monstres et de joyeux lurons masqués se prépare, un bal de l’horreur et de joie qui emplit l’atmosphère d’une ambiance aussi fébrile que mortifère. Candyman II permet à la mythologie du boogeyman de s’étendre et par la même occasion à Tony Todd d’amener son personnage (dénué de masque à la différence des figures phares de l’horreur des années 1980) un peu plus loin dans sa mythologie et de plonger dans son passé pour continuer à exister. Candyman II possède beaucoup de qualités et d’idées ambitieuses qui lui confèrent une vraie légitimité. Quelques défauts entachent un peu le film mais pas suffisamment pour gâcher un plaisir évident de retrouver ce personnage aussi tragique que romantique…

La Nouvelle Orléans

Le choix de cette ville peut surprendre de prime abord, la ville étant bien moins étouffante et impressionnante dans sa verticalité que ne l’est Chicago. La thématique de la légende urbaine aurait pu imposer cet aspect-là de manière primaire et situer Candyman II dans une autre métropole américaine. C’est plutôt son passé chargé d’histoire qui va permettre d’apporter une nouvelle densité au film. Autrefois le plus grand marché d’esclaves du pays, La Nouvelle-Orléans se compose de nos jours d’une population majoritairement noire, fervente chrétienne, ce qui n’empêche nullement au Candyman d’être dans toutes les têtes, représentation du mal absolu et responsable de nombreux malheurs. Le Mardi Gras et le défilé de Carnaval qui se préparent apportent au film un aspect gothique et fantastique vraiment plaisant ainsi qu’une tension palpable qui servira l’histoire au moment venu. Un moment phare de la ville où tout est permis, un peu comme la fête de Halloween.

Flashback

Le film débute sur une présentation de l’histoire du Candyman par un écrivain venu donner une conférence sur le sujet (le professeur Purcell, déjà présent dans Candyman I, qui apprenait à Helen l’origine de la légende). Une manière, certes didactique, assez subtile qui évite comme c’est parfois le cas dans certaines suites de remontrer des scènes complètes déjà vues qui ne servent qu’aux spectateurs à la mémoire courte. C’est surtout l’occasion de nous rappeler qu’il s’agit avant tout d’une tragédie pour ce personnage romantique devenu une incarnation absolue du mal et, pour le réalisateur, de montrer son intention louable de respecter le matériau original. Si quelques flashbacks qu’on pourrait juger inutiles au départ apparaissent ça et là, ils deviennent au fil de l’histoire étonnamment pertinents pour faire le lien avec le passé dont il est question dans le film, des scènes dramatiquement fortes et particulièrement éprouvantes. Tony Todd prend un réel plaisir à explorer son personnage, notamment dans cette période où il retrouve son apparence de jeune artiste peintre, amoureux de la belle Caroline. Le souvenir du colonialisme imprègne toujours la ville, et l’origine de Daniel Robitaille, fils d’un esclave coupable d’amour, en est l’un des plus douloureux.

Annie de l’autre côté du miroir

Lorsque le professeur Purcell est retrouvé assassiné, un jeune homme qui était venu l’agresser se retrouve immédiatement suspecté. Sa sœur Annie, jeune institutrice, ne peut y croire, mais lorsque la police le soupçonne également d’être à l’origine de la mort de leur père quelques années plus tôt, elle commence à en douter. Lui accuse le Candyman d’être à l’origine de ces meurtres. Refusant de croire à ces inepties, et face à la peur dont font preuve ses élèves, elle va invoquer par cinq fois le nom du boogeyman afin de mettre un terme à cette mascarade. Sans le savoir, elle vient de permettre au Candyman de repasser de l’autre côté du miroir et a ouvert en grand l’histoire de sa famille, depuis longtemps dissimulée derrière un lourd passé. Dans le rôle d’Annie, Kelly Rowan, de prime abord assez quelconque, dévoile un jeu tout en finesse et en retenue, qui ne cesse de surprendre et de monter en puissance sans jamais décevoir. Face à elle, Veronica Cartwright (Les Oiseaux, Alien…) interprète à merveille sa mère qu’on sent rongée par des secrets profondément enfouis qui vont à la fois faire le lien avec le mythe du Candyman et donner toute sa légitimité à cette histoire, parmi les meilleures suites qu’on ait pu voir. Seul bémol, le final du film, très eighties dans l’âme, est parasité par un effet 3D parmi les plus immondes vu sur un écran. Une faute de goût certaine mais qu’on occulte rapidement au vu de la qualité globale de cet Adieu à la Chair qui ne sera pourtant qu’un au revoir, puisque Candyman 3 : Le Jour des Morts lui succédera quatre ans plus tard, directement en vidéo.