Texte : Alexandre Metzger - 17 janvier 2022

La Saga Candyman

1992-2021 : Une trilogie de la fin du vingtième siècle, qui renaîtra de ses cendres en 2021…

En 1992, Bernard Rose, en adaptant une nouvelle de Clive Barker et en se l’appropriant totalement, livre un des films les plus emblématiques des années 1990. Le Candyman, une légende urbaine qui prend racine dans l’Amérique raciste et violente, devient un boogeyman terrifiant lorsqu’on l’invoque par cinq fois devant un miroir. Une première suite développe la mythologie de manière remarquable et permet à Tony Todd d’explorer un peu plus son personnage. Le troisième opus, catastrophique, enterrera la saga Candyman pour de nombreuses années, avant qu’un certain Jordan Peele ne décide de la ressusciter…

Candyman I


Candyman 1992 affiche françaiseEn un long travelling vertical, la caméra survole la ville de Chicago comme pour immortaliser un spectacle hypnotique. Le flot incessant des véhicules ressemble à un défilé d’insectes disciplinés parcourant des routes sans fin qui se croisent et finissent par disparaître. Pour accompagner ce bal mécanique, la musique de Philippe Glass, entre gothique et macabre, finit de nous plonger et même de nous enfermer dans cet environnement d’acier et de béton. Ainsi commence Candyman, une légende urbaine issue de l’imagination de l’auteur britannique Clive Barker (Hellraiser, Cabal…), adapté à l’écran par Bernard Rose (Paperhouse). Cette introduction mémorable est suivie d’un plan composé de milliers d’abeilles, sur lequel une voix caverneuse déclame une poésie macabre. Puis on retrouve la ville, filmée de profil cette fois, envahie par une immense nuée de ces mêmes hyménoptères, dans une vision digne d’une des plaies bibliques. Le visage de Virginia Madsen apparaît en fondu, apaisé et rassurant, et met un terme à cette ouverture intense. A travers ces quelques plans, une mythologie se met déjà en place. Une mythologie surprenante, qui ouvre un champ des possibles indéniable dans une époque où le cinéma d’horreur n’est plus très inspiré, où beaucoup de films sortent directement en VHS (quelques années avant que le slasher Scream ne déferle sur la planète et relance l’intérêt des producteurs). Place à Candyman, une perle de l’horreur des années 1990 sortie au cinéma, et à son boogeyman aussi sombre à l’intérieur qu’à l’extérieur…
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Candyman II


Candyman 2 affiche américaineAutre lieu, autres personnages, mais même contexte désespéré d’une population stigmatisée vivant dans la pauvreté et la violence raciale, sont au programme de cette suite du Candyman de Bernard Rose. Entre temps, le film est entré dans la culture populaire, cité dans des morceaux de rap américains, et a fait de Tony Todd un acteur désormais reconnu dans la rue comme LE Candyman… Qui dit succès dit suite, confiée à Bill Condon, cinéphile et journaliste de cinéma devenu un réalisateur très… éclectique (Ni Dieux ni Démons, Twilight IV & V, La Belle et la Bête…). L’action se situe cette fois à la Nouvelle-Orléans, dont les habitants ont perdu tout espoir d’une vie meilleure. Un choix de lieu intéressant visuellement, architecturalement et pertinent pour l’histoire que l’on nous propose. Car Candyman II n’oublie pas la dimension sociale qu’avait développée l’original. Ville chargée d’histoire, celle du colonialisme français entre autres, de culture autant musicale que folklorique, c’est sur la période du Carnaval, “l’Adieu à la chair”, que va s’établir le film. Quelques jours baignés dans une énergie palpable où une parade de monstres et de joyeux lurons masqués se prépare, un bal de l’horreur et de joie qui emplit l’atmosphère d’une ambiance aussi fébrile que mortifère. Candyman II permet à la mythologie du boogeyman de s’étendre et par la même occasion à Tony Todd d’amener son personnage (dénué de masque à la différence des figures phares de l’horreur des années 1980) un peu plus loin dans sa mythologie et de plonger dans son passé pour continuer à exister. Candyman II possède beaucoup de qualités et d’idées ambitieuses qui lui confèrent une vraie légitimité. Quelques défauts entachent un peu le film mais pas suffisamment pour gâcher un plaisir évident de retrouver ce personnage aussi tragique que romantique…
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Candyman III


Candyman 2 affiche américaineExit la musique de Philip Glass, pourtant indissociable de Candyman, exit Clive Barker au poste de producteur exécutif pour cette ultime suite réalisée à la toute fin du vingtième siècle. La saga initiée par Bernard Rose et Bill Condon perd indéniablement une partie de son âme et Candyman III sent le soufre avant même de glisser ce Direct To Video dans le lecteur. Aux commandes du film, Turi Meyer, scénariste de Leprechaun II et réalisateur d’un dispensable Sleepstalker, ne semble pas tout à fait avoir le profil pour mener à bien Candyman III. D’emblée, il nous propose un générique assez ridicule, faisant tournoyer le fameux crochet sous tous les angles. Tony Todd, lui, s’accroche à son rôle de boogeyman romantique, en rempilant non sans mal pour la troisième (et dernière?) fois. Le reste du casting est assez improbable, l’ex-playmate Donna D’Errico étant soudain propulsée tête d’affiche d’un film d’horreur, après avoir piétiné pendant plusieurs saisons, très alerte, les plages de Malibu. Malgré tous ces handicaps, Candyman III est le chef-d’œuvre inattendu que tout fan de la série était en droit d’attendre… Mais non bien sûr, le film est une véritable catastrophe et la preuve malheureuse que si une suite est confiée à la mauvaise équipe, elle peut totalement changer de visage, un reflet déformé de ce qui a fait le charme et la beauté de la saga jusqu’à présent. Pour se donner bonne conscience, autant le regarder une fois dans sa vie afin de pouvoir en juger par soi-même, mais il n’est pas interdit de l’oublier…
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