Texte : Alexandre Metzger - 21 août 2021

Sinister II

Cette suite débute de manière à la fois respectueuse, avec un extrait inaugural de pellicule super 8 montrant une scène de meurtres dans la droite lignée de Sinister I. L’élégance de la mise en scène semble elle aussi au rendez-vous mais dévie tout de même de l’esprit du premier opus en nous gratifiant rapidement d’un jumpscare facile et d’une apparition fantomatique assez quelconque. On retrouve un personnage secondaire toujours interprété par James Ransone (le policier qui aidait le personnage d’Ethan Hawke), ainsi qu’une nouvelle famille, composée d’une mère et de ses deux fils, Dylan et Zach. Fuyant son mari, Courtney Collins (Shannyn Sossamon) a la garde provisoire de ses enfants et se cache à tout prix de cet homme violent.

Maison à hanter

C’est ainsi qu’elle a emménagé dans une maison prêtée par une amie. Sur la même propriété, une vieille église abandonnée se dresse là. Théâtre de crimes atroces, c’est cette bâtisse qui intéresse l’ancien adjoint au shérif devenu détective privé. Cherchant à résoudre l’enquête que son ami écrivain avait tant investie et qui avait causé sa mort, il entre en contact avec Courtney afin de la prévenir des circonstances particulières qui lient entre elles toutes ces affaires sordides …
On sent rapidement que Sinister II ne souhaite pas se cantonner à devenir une pâle copie de son modèle. Scott Derickson laisse sa place de réalisateur à Ciarán Foy (Citadel, Eli…) mais est bien présent au scénario (toujours accompagné de C. Robert Cargill) et garantit ainsi une cohérence entre les deux longs-métrages. Explorant un peu plus sa mythologie, le film nous apprend de quelle manière un nouvel élu se fait approcher par les précédents enfants disparus, puis manipuler de manière insidieuse pour à son tour prendre la caméra en main. Dans le cas présent, s’agissant de frères jumeaux, un angle supplémentaire s’invite dans l’histoire et apporte un réel intérêt au film.

Jeux d’enfants

La thématique des enfants, déjà importante dans le premier Sinister, devient centrale. Seul un des garçons est d’abord confronté aux fantômes. Il repousse autant que possible le visionnage des terribles bobines mais est forcé par ses nouveaux “camarades” à les regarder un par un. Le changement de son comportement inquiète sa mère, et même son frère qui développe paradoxalement une jalousie évidente.
La famille était également au cœur des enjeux de Sinister premier du nom. Dans le cas présent, d’abord décomposée, celle-ci va trouver un nouvel équilibre en la personne du détective, très protecteur (son nom n’est jamais cité dans aucun des deux films). Mais l’arrivée du vrai paternel va s’accompagner d’un retour à la violence intra familiale et entraîner les événements vers la tragédie. Alors que cette histoire de mari brutal aurait pu ajouter une couche inutile et pesante à l’histoire qui nous intéresse, c’est à des scènes dignes d’intérêt auxquelles nous avons droit. Le père est, du point de vue de ses propres enfants, synonyme de peur bien supérieure à celle provoquée par ce démon nommé Burghuul ou Bagul. Du point de vue du spectateur, il incarne un réel enfoiré.

Suite parentale

Si le film ne convainc pas totalement, c’est du fait de sa mise en scène hésitant entre la sobriété et la nervosité, et des effets un peu trop systématiques pour créer une tension aussi palpable que dans le Sinister original. Moins inspirée aussi, l’ambiance sonore qui générait une angoisse unique dans le film original devient plutôt quelconque. Appesanti par quelques séquences sans grande utilité, le film possède pourtant de vraies qualités notamment à travers ses acteurs vraiment investis dans leurs rôles. Doté d’un budget trois fois plus important que Sinister I, Sinister II n’a pas satisfait le public, venu sans doute chercher une certaine radicalité, et a de fait rapporté bien moins que son prédécesseur. Est-ce ce qui a démotivé Jason Blum pour produire un troisième volet ? Rien n’est moins sûr. Si celui-ci semble fermé à clore la trilogie, il semblerait ouvert à une série dérivée de cet univers. A l’instar de The Purge, qui a eu les honneurs d’un show TV décliné de la saga American Nightmare, l’avenir de Sinister passera peut-être par le petit écran. Mais comme le dit le prêtre dans les premières minutes de Sinister II : “On ne peut pas arrêter le mal, on peut seulement s’en protéger”… Le super 8 n’a peut-être pas dit son dernier mot…