Texte : Alexandre Metzger - 7 septembre 2021

Malignant

Sœur de sang

James Wan, entre deux plongées en eaux troubles pour les besoins d’Aquaman et sa suite, est de retour dans l’horreur ! Cinq ans après Conjuring 2, quelle attente pour tous les fans du réalisateur qui, depuis Saw, ont formé une vraie communauté de fidèles. Bonne nouvelle, on retrouve dans Malignant son univers bien à lui, sa caméra virtuose, des images toujours inspirées et un attrait pour la théâtralisation qui nous offre une nouvelle créature marquante. Si le film tire sur des ficelles pas toujours très fines, il possède tout de même de beaux atouts, à commencer par son actrice principale, Annabelle Wallis, totalement possédée par son rôle et dont le physique et la prestation évoquent Isabelle Adjani dans Possession. James Wan revient à l’exercice de l’enquête qui structurait déjà son Saw pour ce nouveau puzzle qui ne cherche pas la terreur à tout prix, mais plutôt un voyage mental et architectural. Ce n’est certes pas son meilleur film, mais il serait dommage de bouder Malignant rien que pour l’audace du réalisateur d’avoir mélangé des genres aussi éloignés que le slasher teinté de giallo, la comédie soap et le thriller policier à l’américaine. Un équilibre précaire qui divise les fans mais qui mérite une vision en salle (plutôt que sur HBO) pour apprécier le malin plaisir que Wan a éprouvé à replonger dans l’horreur et qu’il a su injecter dans la chair de son film…

La chair et le diable

La scène d’introduction dans une clinique chirurgicale à l’architecture impressionnante nous présente Gabriel, un pensionnaire dangereux qui inquiète le personnel médical. Un affrontement violent aboutit à un bain de sang avant qu’on ne parvienne à l’immobiliser. Ce patient diabolique est qualifié de véritable cancer par le médecin qui le suit, qui n’a plus d’autre choix que de l’éliminer. Des images filmées tout en suggestion mais où le sang coule abondamment, qui montrent l’essentiel et laissent tout le loisir au spectateur d’imaginer la direction que va prendre James Wan pour sa nouvelle incursion dans l’horreur. S’agit-il du diable, d’un fou furieux, d’un cas de possession? De l’efficacité pure, brisée par un générique pas très élégant et peu inspiré musicalement. Une faute de goût involontaire ou un brouillage de piste bien conscient? La suite du film penche vers la seconde option et prend des directions variables entre des personnages de policiers frisant la parodie, les apparitions terrifiantes de la créature dans des moments de boucherie frontale et des déplacements acrobatiques trop chorégraphiés qui pourraient prêter à sourire. Un équilibre particulier qui démontre avant tout une volonté de se réinventer de la part du réalisateur qui évite peut-être ainsi l’auto-parodie…

Histoire de femmes

Le scénario de Malignant est né de l’imagination d’Ingrid Bisu, habituée de l’univers de James Wan en tant qu’actrice de second rôle dans La Nonne et Conjuring 3, mais surtout femme du réalisateur. Elle parvient à insuffler à cette histoire horrifique bon nombre des thématiques chères à son mari en y ajoutant un élément féminin essentiel qui permet au film d’avoir une vraie singularité dans la filmographie du père de Saw, Conjuring et Insidious. L’actrice britannique Annabelle Wallis incarne Madison, une trentenaire qui attend un enfant (elle était déjà enceinte dans Annabelle). Mais son mari ne semble pas se réjouir de cet heureux évènement à venir.
Alors qu’elle rentre du travail, il devient rapidement agressif dans ses paroles et en vient à la violenter lors d’une dispute. Blessée à la tête, elle s’enferme dans leur chambre pour se protéger et le laisse dormir au salon. Pendant la nuit, il est réveillé par des bruits dans la maison et se fait attaquer par une silhouette inquiétante. Le lendemain matin, Madison le retrouve mort dans des circonstances horribles…Profondément choquée, elle plonge dans un coma profond durant plusieurs jours… A son réveil, Madison apprend qu’elle a perdu son enfant et va être sujette à des visions meurtrières: des crimes d’une violence extrême auxquels elle assiste comme si elle était présente dans les lieux, perpétrés par un personnage effrayant..

Sang et châtiments

Curieusement, les défauts apparents de Malignant (un casting pas toujours très à propos, des pointes d’humour malvenues, quelques effets appuyés sur des informations sans intérêt) s’estompent devant le plaisir que semble prendre James Wan à révéler au fil des scènes une créature à plusieurs facettes.
La question du sang est peut-être la plus intéressante. Le souhait de Madison, en voulant donner vie à un enfant, était de créer un lien incomparable avec un être issu de sa chair. Un chaînon manquant pour elle qui a été adoptée à l’âge de huit ans par des parents aimants qui ont eu une fille par la suite. Une demi-sœur, sans lien biologique réel.
La créature se fabrique une arme tranchante avec laquelle elle va taillader, charcuter et faire couler l’hémoglobine. Le sang issu de la plaie à l’arrière de la tête de l’héroïne est comme un déclencheur de ses visions. James Wan en fait un fil rouge et autorise le spectateur à comprendre ce qu’il peut/veut bien avant certaines révélations, au risque de ne pas jouer la carte du twist final parfois trop systématique. Ces différents aspects invoquent le fantôme de Brian De Palma. Sœurs de Sang en particulier. La sororité, l’approche médicale du tueur, les effusions de sang… créent une réelle filiation entre les deux œuvres. Et l’on se souviendra des éléments de comédie qui teintaient le film et n’entachaient en rien sa tension générale. Malignant n’a peut-être pas l’étoffe d’un classique en devenir, mais nul doute qu’il a le potentiel de donner lieu à quelques avortons si le succès est au rendez-vous, et qui ajouteraient à la liste déjà longue une nouvelle saga wanienne…