Texte : Alexandre Metzger - 30 septembre 2022

FEFFS 2022

Films vus au Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg en septembre 2022

Le Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg, du vendredi 23 septembre au dimanche 2 octobre 2022. Pas possible de tout voir, entre les films de la compétition, les rétrospectives, les crossovers,… Une édition de bonne tenue mais dans laquelle il manque quelques claques cinématographiques. La sélection

 

Diabolik


Diabolik Affiche italiennede Marco et Antonio Manetti
Un film qui promettait un joli spectacle à l’ancienne et aurait pu jouer la carte de la parodie ou de la modernisation musclée. Il en résulte une œuvre déjà datée, où l’on cherche les scènes d’action sans jamais les rencontrer, et où le charisme du comédien principal est écrasé par l’ampleur de son rôle de Fantomas à l’italienne et par sa partenaire, diablement plus magnétique.
 
 

X


X de Ti West affiche officielle américainede Ti West
Si son titre pas si simple à porter est plutôt racoleur, son pitch l’est tout autant: une petite équipe de cinéma vient tourner en pleine campagne texane un film porno dans une ferme louée pour l’occasion à un couple de personnes âgées, sans les prévenir bien sûr de leurs intentions perverses… Le joyeux tournage va se transformer en un carnage où le sexe et la religion seront au cœur de toutes les tensions. Un heureux mélange qui, sous ses airs d’hommage aux bandes filmées des années 1970 et 1980, se révèle bien plus ambitieux qu’il n’y paraît, cherchant, et trouvant, un équilibre subtil entre les effets de peur et les effets comiques. Ti West cumule les postes de scénariste, monteur, et producteur de X, et assoit un peu plus sa place indispensable dans le paysage de l’horreur.
 
 

Something in the Dirt


Something in the Dirt Affiche américainede Justin Benson et Aaron Moorhead
Une œuvre ambitieuse sans être prétentieuse du duo de réalisateurs/acteurs Benson et Moorhead, qui parvient tout de même à perdre le spectateur par ses bavardages existentiels. Mais ce serait dommage de critiquer l’entièreté des deux hommes, aussi à l’aise devant que derrière la caméra.
 
 

Fascination (1979)


Fascination de Jean Rollin Affiche françaisede Jean Rollin
Certes, ce film déborde de défauts, que ce soit du point de vue du montage, du jeu d’acteurs ou du récit qui emprunte des chemins alambiqués. Mais il faut avouer que la passion de Jean Rollin pour le cinéma et ses actrices se ressent clairement à l’écran. Fortement influencé par le surréalisme, en totale opposition à la Nouvelle Vague, cet artisan du fantastique à la française parvient à déployer des images fortes qui impriment pour longtemps la rétine.
 
 

Zalava


Zalava Affiche américainede Arsalan Amiri
L’Iran nous offre depuis quelques temps des films qui dépaysent et dépoussièrent certains genres comme le polar ou ici, le fantastique. Zalava traite de l’exorcisme et des croyances parfois aveugles qui poussent hommes et femmes à commettre des actes inconsidérés sans l’ombre d’un effet spécial et tout en suggestion.
 
 

Brian and Charles


Brian and Charles Affiche anglaisede Jim Archer
Brian, un vieux célibataire barbu un peu pathétique, bricoleur inventeur pas très doué, se met un jour en tête de concevoir un robot. Par hasard, par miracle ou par pur génie, Charles prend vie et devient un compagnon de jeu et d’aventures pour Brian. British à souhait, Brian and Charles est un très beau film sur l’amitié, l’amour et la vie en communauté. Un feel good movie qui a toutes les chances de remporter le prix du public et mériterait un joli succès dans les salles.
 
 

Nosferatu, Fantôme de la Nuit (1979)


Nosferatu, Fantôme de la Nuit Affichede Werner Herzog
Herzog réalise son adaptation du classique de Murnau, film qui l’a marqué étant enfant, et en profite pour redonner aux personnages les noms du roman Dracula de Bram Stocker. C’est son acteur fétiche Klaus Kinski qui entre corps et âme dans la peau du vampire pour faire face à la beauté froide d’Isabelle Adjani. Si le film n’atteint pas la force de Possession, autre collaboration avec la star française, plombé par quelques dialogues un peu poussifs et quelques personnages un peu laissés pour compte, Nosferatu, Fantôme de la Nuit conserve cette ambiance oppressante et lugubre qui fait toujours son effet.
 
 

The Woodcutter Story


The Woodcutter Story Affichede Mikko Myllylahti
Dans une bourgade finlandaise où la neige et le bois donnent le rythme à une vie plutôt monotone, Jaakko, qui vit paisiblement avec sa femme et son fils, va voir sa vie bouleversée par des évènements somme toute plutôt communs. Entre discussions existentielles et stoïcisme, les villageois vont se laisser happer par cette occasion de changer leurs destins.
 
 

Litan, la cité des Spectres verts (1982)


Litan de Jean-Pierre Mocky Affichede Jean-Pierre Mocky
A Litan, village perché dans les montagnes, comme chaque année, le carnaval des morts bat son plein. Tous les habitants jouent à se faire peur, lorsque d’étranges évènements commencent à inquiéter la police qui mène l’enquête. Prix de la critique au Festival international du film fantastique d’Avoriaz 1982, Litan est une initiative rare dans le fantastique en France, mais peine à combler l’amateur de sensations vraiment fortes.
 
 

Blaze


Blaze Affiche du filmde Kathryn Barton
Réalisé par une artiste célèbre australienne, Blaze ne manque pas d’impressionner visuellement. Son sujet grave n’en est pas pour autant oublié et c’est la création d’un monde et de compagnons imaginaires qui va permettre à une adolescente de surmonter son traumatisme. Le film mériterait un rythme un peu plus soutenu et un peu moins d’incursions dans l’imaginaire afin de ne pas faire oublier l’objet du film: montrer l’horrible réalité de la violence faite aux femmes.
 
 

Flux Gourmet


Flux Gourmet Affichede Peter Strickland
Déjà remarqué pour plusieurs films singuliers, Peter Strickland nous a habitués depuis ses derniers métrages à des concepts intéressants, magnifiés par sa maîtrise visuelle (In Fabrik) et sonore (Berberian Sound Studio). Son dernier effort nous plonge dans l’univers des performances artistiques musicales culinaires pendant la durée d’une résidence. Le monde de l’art peut agacer, pour peu que l’on soit étranger à ces individus souvent égocentrés et pédants. A l’instar de The Square, Palme d’Or récente, Flux Gourmet oublie de s’intéresser à son public, aussi passif que devant un tableau sans légende.
 
 

Orchestrator of Storms: The Fantastique World of Jean Rollin


Orchestrator of Storms: the fantastique world of Jean Rollin, affiche du filmde Dima Ballin, Kat Ellinger
Cinéaste mal aimé, mal connu en France, Jean Rollin commence sa carrière à l’époque de la Nouvelle Vague dont il est loin de se revendiquer. Son univers est influencé par le surréalisme, le gothique et l’érotisme. La filmographie qu’il laisse est le fruit d’une indépendance totale jusqu’à la fin de sa vie, sans rencontrer le succès mais toujours passionné. Ce représentant du fantastique à la française est devenu un cinéaste culte en Angleterre et aux Etats-Unis, et ce documentaire qui lui est consacré est un magnifique hommage.
 
 

Sissy


Sissy Film slasher 2022de Hannah Barlow & Kane Senes
Petit plaisir coupable, venu d’Australie lui aussi, Sissy intègre les codes de la génération YouTube et TikTok et met en scène une influenceuse au sourire craquant, dont les leçons de vie et de travail sur soi font du bien à une communauté nombreuse. Ses retrouvailles avec sa meilleure amie d’enfance vont être l’occasion d’un week-end mouvementé, propice à un jeu de massacres aussi classiques que jouissifs. Le film parvient à remplir son objectif sans jamais le quitter, et c’est déjà pas mal.
 
 

Les Rascals


Les Rascals, photo du filmde Jimmy Laporal-Tresor
Une des grosses déceptions de cette compétition. Un potentiel séduisant qui aurait pu donner Les Guerriers de la Nuit à la française mais qui navigue à vue, tout comme ses personnages, attachants mais aux enjeux peu affirmés. Situant son action dans les années 1980, époque où un certain groupuscule politique d’extrême droite sème ses graines pour les décennies à venir, les bastons qui opposent skins et rascals ne suffisent pas à adhérer à ce film qui n’affirme ni son côté actionner ni son discours politique, mais flotte entre deux eaux.
 
 

Please Baby Please


Please Baby Please affiche américaine du filmde Amanda Kramer
Film hyper graphique, Please Baby Please est un enchaînement de situations qui questionnent sur les codes de la masculinité et de la féminité, ainsi que le rôle attendu des deux sexes respectifs. Amanda Kramer développe tout autant le fond et la forme et s’amuse à alterner scènes de dialogues bien sentis et fantasmes décalés. Situé dans les années 1950 où la virilité de Brando et la femme au foyer sont les modèles importés de l’époque, Please Baby Please est un exercice de style qui tire un peu trop en longueur pour convaincre totalement mais impose indéniablement la personnalité de son autrice, et son actrice déchaînée, Andrea Louise Riseborough (Possessor, Mandy).
 
 

Nos Cérémonies


Nos Cérémonies, film 2022de Simon Rieth
Une des très belles surprises du FEFFS 2022, un film français de surcroît, Nos Cérémonies impressionne par la maîtrise de la mise en scène de Simon Rieth, conteur d’une histoire mythologique moderne qui suit deux frères liés par un destin terrible. Ces deux personnages, interprétés par deux acteurs débutants, frères dans la vie qui crèvent l’écran, sont tels Kaneda et Tetsuo dans Akira, fusionnels mais maudits.
 
 

Lynch/Oz


Lynch/Oz affiche du documentairede Alexandre O. Philippe
Les aficionados de David Lynch savent que le réalisateur porte dans son cœur le célèbre film de Victor Flemming, Le Magicien d’Oz, datant de 1939. Echec à sa sortie, cette œuvre à la fois comédie musicale, drame, conte de fées, conte terrifiant, gagnera son public grâce à la télévision, des années plus tard. Le jeune Lynch sera habité par cette histoire tout au long de sa vie, au point de le citer régulièrement, par l’image ou par le texte, discrètement (Twin Peaks, Mulhollan Drive…) ou de manière évidente (Sailor et Lula). En réalité, tous ses films en sont imprégnés, et ce documentaire passionnant nous révèle de nombreuses informations et nous en replonge avec beaucoup d’émotion dans près de 100 ans de cinéma.
 
 

The Killer: A Girl who deserves to die


The Killer 2022 Affiche américainede Hyuk Jang
Avant la projection, un des membres du comité nous avait prévenus en guise de présentation, ce The Killer n’a rien à voir avec le classique de John Woo, et son réalisateur ne se revendique pas du cinéma influent de Hong-Kong des années 1980/90 mais plutôt de Luc Besson période américaine. De quoi donner envie de fuir… Clairement ce film n’a d’autre ambition que de satisfaire un public qui aime l’action sans réflexion, adepte de Taken et autres John Wick. Mais il le fait avec suffisamment de cœur pour lui accorder le temps d’une séance pendant laquelle on ne s’ennuie pas trop.
 
 

Attachment


Attachment affiche danoise du filmde Gabriel Bier Gislason
Dans une ville danoise, une rencontre accidentelle et touchante change le destin de deux jeunes femmes: Maja, une actrice en perte de vitesse et Leah, une étudiante britannique. Elles s’éprennent rapidement l’une de l’autre et ne se quittent plus. Lorsque Leah se blesse et doit retourner chez elle à Londres, c’est tout naturellement que Maja l’y accompagne. La rencontre avec la mère de Leah et la communauté juive orthodoxe ne va pas être aisée pour Maja, dont la culture et les rites sont loin d’être du folklore. Ce film, vainqueur du festival avec l’Octopus d’Or, est un très beau film autour de la liaison amoureuse qui parvient à nous emporter dans une épouvante tout en délicatesse, mais manque un peu d’audace formelle et narrative pour mériter totalement son prix.
 
 

Dual


Dual film Affiche américainede Riley Stearns
Par son concept très Black Mirror, Dual s’annonce rapidement comme un duel entre deux femmes. Dans une société où il est possible, pour une personne mourante, de se cloner afin de laisser une trace de soi et permettre de réduire le chagrin de ses proches, Sara va être confrontée à un évènement rare, sa rémission. Comment alors cohabiter avec son double totalement identique, lorsque sa propre mère, son mari ont déjà fait le deuil de soi et ont remplacé la personne originale? La réponse est simplement impossible. La seule solution est un duel télévisé pour lequel Sara va devoir s’entraîner. Un scénario digne d’un épisode de série mais tellement bien mené, oscillant entre moments de comédie et de terreur, qu’il en devient très vite attachant, grâce notamment à ses deux acteurs principaux, impeccables.
 
 

Resurrection


Resurrection fil 2022 Affiche américainede Andrew Semans
Derrière son titre peu original, déjà utilisé maintes fois au cinéma dont pour un film avec Christophe Lambert de triste mémoire, Resurrection est un thriller très prenant qui prend vite aux tripes. Margaret, une élégante working girl qui en impose, semble bien contrôler sa vie de mère célibataire. Une femme moderne, gérant parfaitement son quotidien entre sa fille adolescente, son amant, ses interventions dans le cadre du travail. Jusqu’au jour où elle retombe sur un ancien compagnon avec lequel elle partagea des années plus tôt une relation toxique et sadique. Son comportement change du tout au tout, se révélant de plus en plus protectrice envers sa fille et agissant de manière inquiétante. Rebecca Hall démontre une fois encore son talent de grande comédienne face à Tim Roth, plus diabolique que jamais. Et le film ose aller au bout de son propos, le faisant basculer dans une horreur organique qui en décontenancera plus d’un(e).
 
 

You won’t be alone


You won't be Alone Affiche américainede Goran Stolevski
Pour ce dernier film vu par la rédaction, c’est l’élu qui sort du lot. Filmé en 4/3, ce format presque carré donne une dimension intimiste à ce conte de fée terrifiant situé dans la Macédoine du XIXème siècle, où le malin s’invite au bout de quelques minutes à peine pour ne plus le quitter. Une figure de femme brûlée, lointaine cousine de Freddy Krueger par son apparence, pour une raison inconnue, jette son dévolu sur un nouveau-né. La mère la supplie de ne pas lui enlever et lui promet de le lui céder à ses seize ans… Pour sceller ce pacte, l’horrible personnage coupe la langue de l’enfant. Pendant toutes ces années, la jeune fille vivra dans une grotte, avec pour seule vision les parois rocheuses et une ouverture vers le ciel. Les retrouvailles entre ces deux êtres vont donner lieu à un parcours de vie expérimental et existentiel. Le film puise sa force dans son langage inédit. Son langage cinématographique d’abord, semblant faire fi de tout ce qui existe, évolue de manière instinctive et primitive à travers son montage gracieux. Le langage de son personnage principal ensuite, nous partageant de sa voie intérieure toute la magie du monde et des personnes qu’elle rencontre. Des mots riches d’une poésie là aussi très personnelle, formulés sans filtre, sans intellectualisation aucune, traduisant une pureté simple et originelle. Pour nous l’œuvre la plus audacieuse du festival, pas la plus facile certes, mais qui, par son refus des conventions, nous transporte au-delà du cinéma traditionnel codifié, et imprime pour longtemps tous nos sens, au-delà de la vue et de l’ouïe.

Découvrez le palmarès du FEFFS 2022 par le Jury :

Palmarès 2022